Il y avait beaucoup de Cabernet Franc à Fonroque à l’époque où les engrais azote et autres attributs du rendement accru ont commencé à faire leur apparition.
Même si la propriété n’a jamais été l’objet de traitements chimiques irraisonnés, elle était dirigée en viticulture conventionnelle. Or, contrairement au Merlot qui s’accommode assez bien des rendements élevés et continue dans ces conditions à produire des vins qui se tiennent bien, le Cabernet Franc, tout comme le Pinot Noir en Bourgogne, est assez capricieux et ne supporte pas ce mode opératoire qui le rend assez commun et lui fait perdre très vite sa concentration et sa densité. Outre son intolérance à l’azote et à l’humidité, le Cabernet Franc demeure plus tardif que le Merlot. Dans la mesure où un rendement plus élevé demande à chaque pied un temps de maturation supérieur, ce cépage réfractaire aux pratiques massives était souvent ramassé non mûr, ce qui lui a valu dans les années quatre-vingts de n’être jamais mêlé aux premiers vins.
C’est ainsi que les générations précédentes ont fait le choix d’arracher quantité de Cabernet Franc. Ce phénomène est vrai à Fonroque comme partout ailleurs à l’époque et relève des effets pervers d’une agriculture s’intensifiant, trop au delà de ses capacités naturelles.
Depuis que Fonroque est dirigée par Alain Moueix et conduite en biodynamie, 100% du Cabernet Franc est affecté au premier vin. Même si le plateau calcaire est considéré comme le meilleur terroir de la propriété, de très nombreux arrachages ont dû y être réalisés afin de faire face à la baisse régulière des rendements. Nous avons fait le choix d’y planter du Merlot car l’endroit est idéal pour révéler l’effet cristallin tout à fait particulier que ce cépage produit dans son association avec ce sol. Ceci a permis l’augmentation très significative et croissante à ce jour, des rendements offerts par ces parcelles, grâce auxquelles nous constatons chaque année le très net gain de qualité sur l’assemblage. Par ailleurs nous plantons du Cabernet Franc sur les parcelles de bas de coteau et pied de côte. En 2015 nous avons planté soixante ares de Cabernet Franc, en 2018 95 ares, en 2019 66 ares, et ces chiffres iront croissants.
Cependant, la ligne apportée par le calcaire en milieu de bouche et la présence de l’argile, assurent une très belle tenue à notre vin et le Cabernet Franc ne nous intéresse pas ici pour sa vertu structurante mais pour son effet de densification du cœur de la matière, qui apporte encore plus de plénitude au résultat. Par ailleurs le Merlot s’ouvre beaucoup au contact de la Biodynamie. Il gagne en verticalité, en largeur et un espace se crée en milieu de bouche qui est très intéressant, même s’il ne doit pas être trop volatile car le vin a besoin de présence.
La fraîcheur enfin, est naturellement généreuse à Fonroque, ce qui nous dispense d’y ajouter la plantation de Petit Verdot.