Je choisis le 2013 parce que c’est probablement le millésime le plus difficile de ma carrière, avec 1992. Il est inutile en pareille circonstance de chercher à faire un vin dense car la matière n’est résolument pas là. Faire un vin léger ne serait pas compatible avec notre rang de Grand Cru Classé. La question doit porter sur la qualité du millésime, même s’il n’y en a qu’une, et de voir ce qui peut encore entrer en dialogue avec l’idée que j’ai d’un grand vin. Riche, il ne pouvait l’être. Mais il pouvait être fin et de morphologie harmonieuse. Un vin heureux avec son pedigree et sans envie pour ce qu’il n’a pas. René Char disait que «L’impossible nous ne l’atteignons pas, mais il nous sert de lanterne». Et j’ajouterais que le chemin ainsi éclairé peut être d’une rare poésie. Le tout est de déplacer légèrement les lignes.

Nous avons cherché à produire de l’élégance, à exprimer la race dans son plus simple appareil, à ne pas extraire de tanins ordinaires, à ne surtout pas recourir au maquillage du bois. Nous avons été attentifs au message que laisse la finale et nous avons veillé à l’équilibre de l’ensemble grâce à la cohérence de notre composition.
Le Château Fonroque 2013 n’est pas le plus grand vin que j’ai produit, mais c’est assurément une de mes réussites s’il s’agissait d’identifier, puis de révéler malgré les abords trompeurs, ce que le millésime avait de meilleur.

La robe rubis est de densité moyenne. Le nez présente un paysage bien achevé. Il débute sur des arômes d’olive, de boite à cigares, de cerise bigarreau, puis il évolue vers la fraise des bois et la violette. Arrivent alors des sensations marines assez marquées. Le tout est pris dans une minéralité qui évoque la pierre chaude.
Le paysage aromatique se maintient du nez jusqu’en bouche, ce qui n’est pas si fréquent. Nous retrouvons les mêmes associations dans la même chronologie. La verticalité toujours très présente s’accompagne d’une sensation tactile soyeuse apaisante.
La finale se tient très bien pour un millésime aussi difficile. Elle évoque l’écorce d’orange, le cacao, avant de faire fleurir une ou deux notes salines.